OHADALEGIS 2001 - 2020

19EME ANNIVERSAIRE DE OHADALEGIS

POINT RECAPITULATIF SUR LE RECOUVREMENT DES CREANCES EN ZONE OHADA EN 2020





COMMENT ABORDEZ-VOUS LE RECOUVREMENT DE CREANCES EN ZONE OHADA EN CE DEBUT D’ANNEE ?



(1) La protection du créancier dans le droit uniforme de re-couvrement des créances de l’OHADA. Droit. Université Pan-théon-Sorbonne - Paris I, 2016. Français. NNT : 2016PA01D036. tel-01508084 p. 3 – 4.

(2) Ibidem p. 5 - 6

 (3) ibidem p. 7 – 8.

(4) Cette analyse mettant en avant la complexité de la pro-cédure d’injonction de paie-ment comme cause d’exclusion de nombreux acteurs écono-miques se retrouve chez plu-sieurs auteurs  (ibidem p. 22 – 23) :

:  Djogbenou (J.), « L’informel et le règlement des litiges par application du droit OHADA »
in L. Cadiet (Dir.), Droit et a-ttractivité économique: le cas de l’OHADA, Travaux de l’asso-ciation pour l’efficacité du droit et de la justice dans l’espace OHADA, éd. IRJS, Paris 2013, pp. 148 ss.

Chifflot-Bourgeois (F.), « Conclusion » in L. CADIET (Dir), Droit et attractivité économi-que: le cas de l’Ohada, Tra-vaux de l’association pour l’efficacité du droit et de la justice dans l’espace OHADA, éd. IRJS, Paris 2013, p. 215 s.

(5) ibidem p.  18-19.

(6) Adomayakpor (C.R.), « L’article 12 de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ou le talon d’Achille des créanciers », Rev. du Pa-lais n° 001, déc. 1999, p. 6 s.; Wambo (J.), Les procédures simplifiées de recouvrement en droit Ohada: les grandes ori-entations de la jurisprudence, éd. Jerberas, Abidjan 2016, p. 101 s.

(7) Professeur Moussa SAMB, « Etude sur les difficultés de recouvrement des créances dans l’espace Uemoa : Cas du Bénin, Burkina-Faso, Mali et Sénégal », Revue de l’Ersuma :: Droit des affaires - Pratique Professionnelle, N° 1 - Juin 2012, Dossier : Le Recouvre-ment des Créances.

(8) Maître Maximin Cakpo-Assogba Avocat. « Les méca-nismes bancaires de sûreté et de sécurisation des engage-ments ». p. 15.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




                    Le recouvrement des créances est et demeure depuis longtemps un casse-tête dans  le monde des affaires avec les nombreuses contorsions  qu’il impose aux créanciers. La zone Ohada n’échappe pas à cette dure réalité et une question peut être posée en ce début d’année 2020 : comment abordez-vous le recouvrement de créances en ce début d’année car le paysage demeure quelque peu sombre comme en témoignent les études sur cette problématique évoquées ci-après.

Le paysage panoramique

            Dans « La protection du créancier dans le droit uniforme de recouvrement des créances de l’Ohada » (1), Amevi De Saba constate ce qui suit : . La santé de l’économie des Etats de l'Ohada est néanmoins menacée par les retards et les défauts de paiement. Quelques chiffres statistiques révèlent l’ampleur de la situation. Alors qu’en Europe, le délai de paiement réel moyen est autour de 54 jours , ce délai avoisine les 180 jours en Afrique . Le secrétaire général de la Conférence interafricaine sur les marchés de l’assurance (CIMA)10 révèle, que dans le secteur des assurances par exemple, le délai moyen de paiement des primes d’assurance dépasse 6 mois11 . Les fournisseurs et les prestataires qui ont pour principaux clients l’Etat, les collectivités publiques et les établissements publics sont encore plus exposés aux défauts de paiement des créances. Parfois, les créanciers des personnes morales de droit public attendent des années le paiement de leurs créances ».

            Dans cette intéressante analyse, l’auteur relève en le regrettant que dans la zone Ohada,  aucune étude n’a quantifié l’impact réel du non-paiement des créances sur l’économie et les entreprises, alors que  ses effets collatéraux néfastes sont perceptibles dans tous les secteurs d’activité (2) : «  au cours de la décennie 1980-1990, le non-recouvrement des créances bancaires a désorganisé le système financier de l’Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) :

. le défaut de paiement des primes d’assurance dans les Etats de la CIMA, à laquelle sont parties tous les Etats de l’OHADA17, a fini par menacer la solvabilité des compagnies d’assurance et le règlement des sinistres au point que le Conseil des Ministres des Assurances des pays membres de la CIMA a adopté, lors de sa dernière réunion tenue à N’Djamena en avril 2011, un Règlement modifiant et complétant les dispositions du Code des assurances relatives à la souscription et au paiement de la prime.

. une étude conduite par les institutions de l’OHADA, notamment le Centre de recherche et de documentation de l’Ecole régionale supérieure de la magistrature (ERSUMA), révèle aussi les difficultés de plus en plus accrues des entreprises et des institutions  financières à recouvrer leurs créances sans estimer le coût financier des défauts de paiement dans l’espace OHADA ».

Rapide tour d’horizon comportemental

            Plus loin, est fait un tour d’horizon des attitudes comportementales des diverses parties prenantes en ce domaine, attestant de l’incidence non-négligeable de cette donne dans le puzzle du recouvrement des créances : pratiques de recouvrement parallèles largement utilisées dans les pays francophones de la zone Ohada telles que le recours à la gendarmerie ou la police, le chapelet des griefs au niveau des acteurs économiques étant divers :

. les commerçants personnes physiques et  les entreprises individuelles estimant qu’il s’agit là de la voie du salut compte tenu de l’inaccessibilité de la justice et de l’élitisme de la procédure ordinaire de recouvrement,

. les artisans mettant en avant pour leur part les coûts et les formalités excessifs de la procédure ordinaire de recouvrement des créances,

. alors que pour les sociétés commerciales et les institutions financières, les vers dans le fruit sont les: lenteurs de cette procédure qui, en raison de sa complexité (3), se prolonge souvent sur plusieurs années, amplifiant ainsi le calvaire déjà causé par les retards et les défauts de paiement » (4).

            A côté de ces pratiques parallèles, certaines dérives comportementales des débiteurs constatées cette fois dans le cadre de la mise en œuvre même de l’Acte uniforme, sont décriées par l’auteur en ces termes  (5) :
 
« Ce tour d’horizon sur le comportement des débiteurs dans l’espace OHADA met en évidence les limites de l’injonction de paiement comme instrument de recouvrement rapide. Le principal reproche vient de ce que la simple opposition permet de retomber dans les stéréotypes des procès ordinaires. Le législateur de l’OHADA a tenté d’éviter cette inconséquence en instituant une phase de conciliation à la porte du procès, de sorte que la procédure ordinaire de droit commun n’est ouverte qu’en cas d’échec des pourparlers sur le règlement amiable de la dette. Mais, le succès de ce moyen de règlement des litiges n’est pas démontré (6). Il présente surtout le grand inconvénient de ne pas être cantonné dans le temps. Cette imprécision de la durée de la phase de conciliation, doublée des multiples voies de recours ouvertes aux débiteurs, plonge souvent la procédure dans une indétermination dont se sert le débiteur pour organiser son insolvabilité ou retarder le paiement de la créance Ce constat a conduit un magistrat à considérer l’injonction de paiement de l’OHADA comme « le produit de l’influence de groupes organisés de gros débiteurs qui ont su se faire la part belle » .

            L’Etude sur les difficultés de recouvrement des créances dans l'espace UEMOA : cas du Bénin, du Burkina Faso, du Mali et du Sénégal (7) fait le même constat amer :  « les procédures simplifiées de recouvrement instituées par l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et les voies d’exécution de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) (1998) apparaissent, dans leur application, plus favorables aux débiteurs, enclins à user (abuser) des demandes de nullités des procédures engagées par les créanciers et à profiter des lenteurs et dysfonctionnements inhérents au système judiciaire et des contraintes normatives inhérentes aux voies d’exécution, notamment les saisies ».

            Cette importante étude conduite par le Centre de Recherche et de Documentation de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA), sur les difficultés de recouvrement des créances des entreprises dans les pays de la zone de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) (Benin, Burkina Faso, Mali, Sénégal) passe en revue les diverses perceptions des établissements financiers, des entreprises et des différents acteurs du monde judiciaire sur les causes des difficultés de recouvrement et formule des recommandations sur les mesures de prévention et les textes à revoir dans une réforme estimée urgente.

            Cet  autre état des lieux panoramique n’est pas inintéressant à récapituler  :


LES ENTREPRISES




LES ACTEURS DU JUDICIAIRE

 

« La plupart des entreprises sont des SARL ou fonctionnent dans le secteur informel. Le poids de la culture et des traditions oblige à privilégier la confiance, la réputation et les liens de parenté qui constituent des obstacles au recouvrement forcé des créances.

Les entreprises sont également confrontées à une méconnaissance des règles juridiques, à la complexité des procédures, aux pratiques dilatoires encouragées par les multiples possibilités de recours ouvertes aux débiteurs. Les pratiques de corruption et de prévarication se sont généralisées et touchent tous les secteurs y compris les milieux judiciaires. « L’honnêteté est devenue un délit », selon les responsables d’entreprises rencontrées ; les entreprises prête-nom appartenant à des fonctionnaires foisonnent, ainsi les transporteurs se sentent relégués derrière des entreprises prête-nom qui appartiennent à des personnes ayant acquis des véhicules remorques et des camions citernes en utilisant les moyens de l’Etat. » .

 

LES HUISSIERS DE JUSTICE

« Les huissiers de justice jouent un rôle très important dans les procédures de recouvrement des créances. La plupart des huissiers rencontrés affirment que le droit OHADA contient des règles trop favorables aux débiteurs indélicats. Les difficultés de recouvrement se présentent à tous les niveaux de la procédure de recouvrement.

Concernant la procédure d’injonction de payer, une première difficulté à laquelle les huissiers sont confrontés est celle de la localisation géographique du débiteur. La signification de l’acte d’huissier doit être faite, autant que possible, à personne, ou à domicile. Le plus souvent, les huissiers rencontrent d’énormes difficultés à localiser le débiteur.

De façon générale, les huissiers estiment que les juges sont trop enclins à protéger les débiteurs : par exemple dans les procédures d’injonction de payer le juge ne devrait pas, en cas de sommation, exiger la preuve du fondement de la créance car la sommation est souvent accompagnée des factures et/ou d’une reconnaissance de la dette. Dans l’Acte uniforme, les mentions requises « à peine de nullité » ou « à peine d’irrecevabilité » foisonnent et servent la cause des débiteurs indélicats ».



 

LES AVOCATS

« Les avocats abusent avec les demandes de renvois et les oppositions non fondées qui sont utilisées pour retarder l’issue du procès. Les banquiers protègent abusivement leurs clients qu’ils informent en servant aux huissiers les formules « réponse suivra » ou « sous réserve des opérations en cours ». Le détournement d’objets saisis est devenu fréquent et non sanctionné, de sorte que personne ne fait plus de saisie-vente, le débiteur ayant tout le temps de déménager rapidement.

Le texte de l’AURVE a par ailleurs le défaut d’accroître les lenteurs judiciaires. Avant l’avènement du droit OHADA, on pouvait faire le commandement et 24 heures après procéder à la saisie, le délai de huitaine prévu par l’AURVE est une faveur accordée au débiteur qui diminue le caractère dissuasif du commandement ».

 

LES GREFFIERS

« Ces lenteurs sont expliquées, selon les greffiers, par le fait que souvent les requêtes aux fins d’injonction de payer sont présentées par les huissiers, sans les pièces originales, avec seulement des photocopies et sans la formule finale, de sorte que le Président du tribunal a dû mettre à la disposition des greffiers un modèle de requête, pour diminuer les rejets devenus trop nombreux. En cas de rejet, le Président du tribunal mentionne sur la chemise les points à reprendre et les pièces à reproduire mais il arrive que les dossiers reviennent sans aucun changement.

Les greffiers imputent également les lenteurs au manque de moyens mis à leur disposition. Par exemple, bien qu’il leur incombe de procéder à l’insertion des décisions de justice en matière de procédures collectives dans les journaux d’annonces légales, ils sont obligés de recourir aux avocats et aux parties pour y procéder.

Les magistrats sont confrontés aux mêmes problèmes de moyens, ils sont peu nombreux pour répondre de façon diligente aux nombreuses demandes. Relativement aux dispositions des Actes uniformes, ils trouvent le nombre de nullités excessif dans l’AURVE ».

 

Et l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des Voies d’Exécution (AUVE) dans tout cela ?

             Ce texte adopté et entré en vigueur en 1998, qui avait pour principal objectif  de re-paramétrer le paysage du recouvrement des créances en zone Ohada en l’améliorant par l’inclusion de nouvelles procédures simplifiées d’obtention des titres exécutoires nécessaires à la mise en œuvre des mesures d’exécution forcée au profit des créanciers, est loin de faire l’unanimité. Les critiques le concernant sont acerbes, à l’instar de celles exprimées par exemple sur la procédure d’injonction de payer telle que prévue par l’Acte uniforme :

            Entre autres haies à franchir, Amevi De Saba relève dans le même article (p.  18-19) les lacunes liées aux conditions d’obtention, de signification et d’exécution du titre injonctif :

. limite du champ d’application de cet Acte uniforme aux créances nées des effets de commerce et des contrats, alors que ce ne sont pas les seules sources des obligations civiles et commerciales dans les Etats de l’Ohada,

. haies procédurales des diverses exigences liées à l’obtention de l’ordonnance : conditions de forme et de fond requises des actes à établir  difficiles à respecter, outre leur coût conduisant assez souvent les petites entreprises, les commerçants et les artisans producteurs de plus de la moitié de la richesse nationale des pays concernés à renoncer au recouvrement lorsque le coût de la mise en œuvre procédurale est supérieur à la créance à recouvrer,

. freins à l’exécution des titres exécutoires dont l’obtention peut fréquemment s’étaler sur plusieurs années, anomalie que l’auteur explique notamment par la consécration de la nullité de plein droit des actes de procédure affectés d’une irrégularité de forme et la protection des débiteurs publics ...

            Et l’auteur de conclure avec regret (p.  20) que « les débiteurs de mauvaise foi en panne d’arguments sur le fond ont trouvé dans la législation Ohada et dans la position de la CCJA un support juridique pour demander et obtenir la mainlevée des saisies pratiquées alors qu’avant l’ Ohada, de telles actions étaient rares parce que la nullité des actes de procédure était gouvernée par le principe « pas de nullité sans grief », même en présence d’un texte. Le bouleversement introduit par le droit Ohada a conduit à noyer le titre exécutoire dans un formalisme excessif qui le rend inopérant ».

            Ce constat des limites de l’AUVE est également fait par Maître Maximin Cakpo-Assogba (8)  en ces termes :

« La pratique montre que la démarche Ohada est souvent trahie par des dispositions internes qui parfois ruinent son efficacité. C’est ainsi qu’on enregistre une multiplication des obstacles processuels en matière d’exécution forcée. Ces différents obstacles sont renforcés par les voies de recours ordinaires et les voies de recours extraordinaires organisées par le droit interne. En outre, si l’on peut admettre, sur le principe, que les procédures simplifiées de recouvrement font l’objet d’un traitement simplifié devant les tribunaux (et encore !), ce traitement disparaît en cas d’appel du jugement statuant sur l’opposition. La procédure simplifiée devient, en cause d’appel, une procédure ordinaire ».


Me MANDESSI BELL Evelyne

Avocat – Consultante

            Dans ce paysage sombre, comment vous en sortez-vous ? Votre vécu du recouvrement des créances est-il un inexorable long chemin de croix ou avez-vous réussi à en sortir de temps en temps avec des schémas latéraux ?

            Faites-nous part de votre expérience et aidez-nous à faire un petit point en répondant au petit questionnaire ci-dessous. Si vous n’avez aucune information sur le point concerné, mentionnez simplement : information non disponible.

1. Quels sont les taux respectifs des paiements tardifs et des non-paiements des créances de votre entreprise ?

2. Quelle est la durée moyenne des procédures de recouvrement judiciaire des créances dans votre entreprise ?

3. Le recouvrement judiciaire est-il la seule solution utilisée par votre entreprise pour recouvrer ses créances ?

4. Quel est le taux de recouvrement effectif en utilisant cette voie ?

5. Si votre entreprise utilise d’autres solutions que la voie judiciaire pour le recouvrement de ses créances, quelles sont-elles et quels sont les taux respectif de ces méthodes par rapport au recouvrement judiciaire ?

 

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