LIBRE TRIBUNE


VOTRE ENTREPRISE EST-ELLE EN SECURITE  ACTUELLEMENT ?





L’Acte Uniforme Ohada sur le droit des sociétés commerciales et du Gie révisé en Janvier 2014 a imposé la mise en harmonie des documents statutaires des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique en activité dans la zone Ohada en ces termes, en précisant l’objet de cette formalité, ses modalités et le délai limite de son accomplissement  :

« Article 909. La mise en harmonie a pour objet d'abroger, de modifier et de remplacer, le cas échéant, les clauses statutaires contraires aux dispositions impératives du présent Acte uniforme et de leur apporter les compléments que le présent Acte uniforme rend obligatoires.

Article 910. La mise en harmonie peut être accomplie par voie d'amendement aux statuts anciens ou par l'adoption de statuts rédigés à nouveau en toutes leurs dispositions.

Elle peut être décidée par l'assemblée des actionnaires ou des associés statuant aux conditions de validité des décisions ordinaires, nonobstant toutes dispositions légales ou statutaires contraires, à la condition de ne modifier, quant au fond, que les clauses incompatibles avec le droit nouveau.

Article 908. Les sociétés et les groupements d'intérêt économique constitués antérieurement à l'entrée en vigueur du présent Acte uniforme sont soumis à ses dispositions. Ils sont tenus de mettre leurs statuts en harmonie avec les dispositions du présent Acte uniforme dans un délai de
deux (2) ans à compter de son entrée en vigueur ».

Ce texte adopté le 30/01/2014 étant entré en vigueur depuis le 05/05/2014, le délai-limite d’accomplissement de cette formalité était donc début Mai 2016, et s’est donc ouverte depuis lors la  séquence suivante des  sanctions, lesquelles ne sont pas sans conséquences sur la sécurité des structures d’affaires ne s’étant pas conformé à ces prescriptions.

Les conséquences de l’absence de mise en harmonie statutaire

L’Acte uniforme a prévu diverses sanctions rappelées ci-dessous  :

Article 914. À défaut d'avoir augmenté leur capital social au moins du montant minimal prévu à l'article 311 du présent Acte uniforme pour les sociétés à responsabilité limitée et à l'article 387 du présent Acte uniforme pour les sociétés anonymes, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes dont le capital serait inférieur à ces montants doivent, avant l'expiration du délai fixé à l'article 908 du présent Acte uniforme, prononcer leur dissolution ou se transformer en société d'une autre forme pour laquelle le présent Acte uniforme n'exige pas un capital minimal supérieur au capital existant.

Les sociétés qui ne se seront pas conformées aux dispositions de l'alinéa précédent, seront dissoutes de plein droit à l'expiration du délai imparti.

Article 915. À défaut de mise en harmonie des statuts avec les dispositions du présent Acte uniforme, dans le délai de deux (2) ans à compter de son entrée en vigueur, les clauses statutaires contraires à ces dispositions sont réputées non écrites et les dispositions nouvelles s'appliquent

Il apparaît donc que les conséquences du non-respect de cette formalité d’harmonisation statutaire sont graves.

Conséquences en rapport avec l’article 914 de l’Acte uniforme.

Le non-respect des prescriptions de l’article 914 est en effet grave car il est sanctionné par la dissolution de plein droit de la société ou du GIE, avec en outre, des conséquences floues et dangereuses, particulièrement pour les tiers et les cocontractants.

En effet, d’une part la dissolution de plein droit est censée intervenir automatiquement, au jour de l’évènement, à l’insu même des associés ou actionnaires, et il n’est pas possible, en principe, de faire marche-arrière. Or, d’autre part, cette dissolution pour défaut de mise en conformité statutaire ne peut se voir appliquer les règles de la dissolution volontaire par les associés/actionnaires, ou par voie judiciaire.

Rappelons qu’effectivement le droit Ohada des sociétés commerciales prévoit deux principaux cas de dissolutions de plein droit:

. l’un, à l’article 30, lié à l'arrivée du terme des sociétés, avec possibilité de contournement de cette situation par décision de prorogation des associés/actionnaires,

. l’autre concernant les sociétés en commandite simple évoqué à l’article 308 de l’Acte uniforme, mentionnant cette dissolution, cependant sans autre détail, comme à l’article 914 alinéa 2 rappelé ci-dessus.

La question se pose dès lors de savoir si en l’absence de décision de dissolution des associés/actionnaires ou d’un tribunal, la société dissoute de plein droit pourrait être considérée comme une société de fait, ou « créée de fait » si elle continue de fonctionner ? Une réponse négative devrait s’imposer, car ces données ne correspondent pas aux cas de figures décrits aux articles 864 et 865 de l’Acte Uniforme.

Ajoutons que normalement, lorsqu’une société est dissoute, les règles de l’article 201 de l’Acte Uniforme doivent s’appliquer, à savoir en l’occurrence que la dissolution n’a d’effets à l’égard des tiers qu’à compter de sa publication au journal d’annonces légales, mais elle entraîne cependant de plein droit la mise en liquidation de la structure s’il s’agit d’une société pluripersonnelle, avec les suites procédurales subséquentes.

Or si les travaux de mise en harmonie des statuts n’ont pas été effectués ou ne l’ont pas été dans les normes et que les associés /actionnaires ne sont pas conscients de cette situation, comment donc toutes ces règles s’appliqueront-elles, avec une dissolution de plein droit dont personne n’aura en fait conscience, mais qui pourrait peut-être être opportunément mise en avant en cas de contentieux par quelqu’un qui y aurait intérêt ?

Autant d’incertitudes, facteurs d’insécurité juridique, à un double point de vue :

. insécurité juridique interne eu égard à la société ou au GIE concerné,

. insécurité juridique externe en cas de contrat(s) que la structure dans cette situation pourra être amenée à signer elle-même, susceptible de se manifester de deux manières :

- elle n’est pas en règle et elle peut mettre son cocontractant en danger,

- ou elle est en règle mais tel n’est pas le cas de son cocontractant avec qui elle aura signé …

d’où l’intérêt d’effectuer la mise en harmonie au niveau de votre structure, et par ailleurs, la nécessité d’exiger de vos partenaires contractuels la présentation de statuts harmonisés avant de signer des contrats avec eux.

Conséquences en rapport avec l’article 915.

Lorsque la mise en harmonie n’aura pas été faite, ou n’aura pas été effectuée correctement, en application des dispositions de cet article, les clauses statutaires non harmonisées deviendront caduques et seront automatiquement remplacées par les règles et standards de l’Acte uniforme révisé, sans toutefois être formellement incluses de manière formelle et expresse dans les documents statutaires, ce qui sera également un facteur de désordre en ce qui concerne leur lisibilité.

Il sera en effet normal pour toute personne ayant de tels statuts en mains de s’en tenir strictement à ce qu’elle a sous les yeux qui sera cependant en discordance avec le standard harmonisé, anomalie qui ne manquera pas d’être rappelée en cas de contentieux.

Si les articles concernés devenus caducs ont trait à des sujets annexes, .il pourra bien évidemment y avoir des conséquences gênantes, mais combien plus importants seront les dégâts si ces points concernent des sujets essentiels impactant sur la validité décisionnelle et autres … comme par exemple la perte de l’éligibilité statutaire liée à la détention de certains permis, autorisations et licences nécessaires à l’exercice des activités de l’entreprise ou maintien de cet exercice.

Que de dégâts donc, susceptibles d’apparaître d’ailleurs souvent assez tard en aval, à l’occasion de précontentieux ou de contentieux lorsque cette anomalie voudra être exploitée, votre entreprise étant très occupée à gérer ses en-cours  …..

La mise en harmonie statutaire requise par l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le GIE de 2014 n’est donc pas une simple petite formalité latérale. Elle peut mettre en péril la sécurité juridique de votre structure de manière impromptue.

Il importe donc :

. d’une part de vérifier si votre structure est à jour, et dans le cas contraire, faire le nécessaire compte tenu du temps déjà écoulé,

. d’autre part, de sécuriser vos contrats pour ne pas traiter avec des structures aux contours potentiels opaques, en exigeant de vos cocontractants constitués avant ce texte de 2014 (donc soumis à cette obligation d’harmonisation statutaire) qu’ils vous présentent des statuts mis en conformité, les structures constituées après étant censées fonctionner avec des statuts établis sur la base des dispositions de l’Acte révisé, ce qui n'empêche pas que ce soit vérifié.


ME MANDESSI BELL EVELYNE
Docteur d'état en droit
Avocate – Consultante



Si vous êtes en situation de non-conformité, veuillez noter qu'un service de mise en conformité sera bientôt disponible ici.





   
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